Les Yama et les Nyama
Yama et Niyama : les fondations du yoga selon Patañjali
Quand on pense au yoga, on imagine souvent des postures sur un tapis, des respirations profondes ou des moments de méditation silencieuse. Mais dans la tradition du yoga classique, ces pratiques ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Le yoga, tel que présenté par le sage Patañjali dans les Yoga Sūtra, est un chemin complet de transformation intérieure, structuré en huit étapes : l’Ashtanga Yoga, littéralement « le yoga à huit membres ».
Les Yama et Niyama constituent les deux premiers piliers de ce chemin. Trop souvent négligés dans la pratique moderne, ils posent pourtant les bases éthiques et comportementales d’un yoga véritablement transformatif. Ils ne sont pas des « règles » imposées, mais plutôt des engagements intérieurs, des repères pour aligner nos actions, nos pensées et notre vie avec plus de conscience.
1. Les Yama : les disciplines relationnelles
Les Yama sont des attitudes à cultiver dans notre relation aux autres et au monde. Ils représentent une forme d’éthique universelle, qui dépasse les cultures et les époques. Il en existe cinq :
1. Ahimsa – La non-violence
Ahimsa, c’est le fondement de toute pratique spirituelle : ne pas nuire. Cela concerne non seulement nos actions, mais aussi nos paroles, nos pensées et nos intentions. Cultiver la bienveillance envers les autres, mais aussi envers soi-même. Ahimsa invite à développer la compassion, à désamorcer les jugements, à accueillir sans blesser.
Est-ce que mes mots, mes gestes, mes choix nourrissent la paix ?
2. Satya – La vérité
Satya nous appelle à être vrais, sincères, honnêtes dans notre façon de parler, mais aussi dans notre façon d’être. Cela ne signifie pas dire tout ce que l’on pense, mais parler avec justesse, alignement et respect. Être en vérité, c’est aussi ne pas se mentir à soi-même.
Est-ce que je vis en cohérence avec ce que je ressens profondément ?
3. Asteya – Ne pas voler
Asteya ne se limite pas au vol matériel. C’est aussi ne pas prendre ce qui ne nous appartient pas : temps, énergie, idées, reconnaissance… Cela implique le respect des limites, la gratitude pour ce que l’on a, et le renoncement à la comparaison ou à la convoitise.
Est-ce que je me sens complet, ou est-ce que je suis toujours en train de désirer plus ?
4. Brahmacharya – La modération / l’énergie dirigée
Souvent mal compris, brahmacharya n’est pas uniquement la chasteté. C’est la gestion consciente de notre énergie vitale, dans tous les domaines : sexualité, alimentation, parole, consommation. Il s’agit d’éviter la dispersion pour canaliser notre force intérieure vers ce qui élève.
Où va mon énergie au quotidien ? Est-ce qu’elle me rapproche ou m’éloigne de moi-même ?
5. Aparigraha – Le non-attachement
Aparigraha, c’est la capacité à lâcher prise, à ne pas s’accrocher à ce que l’on possède, à ce que l’on pense être ou devoir être. C’est le contraire de l’avidité. Cette attitude ouvre à la liberté intérieure et à une relation plus fluide avec l’impermanence de la vie.
Est-ce que je peux vivre sans m’identifier à mes possessions, mes rôles, mes attachements ?
Les Niyama : les disciplines personnelles
Les Niyama concernent notre relation à nous-mêmes, notre hygiène de vie intérieure et extérieure. Ce sont aussi des pratiques d’introspection et de transformation.
1. Śauca – La pureté
Śauca désigne la propreté du corps, de l’environnement, mais aussi la clarté de l’esprit. Cela inclut une alimentation saine, un environnement ordonné, et des pratiques qui nous allègent mentalement et émotionnellement. Cultiver la pureté, c’est choisir ce qui nous nourrit profondément.
Qu’est-ce que j’intègre dans mon corps, dans mon esprit, dans ma vie ?
2. Santoṣa – Le contentement
Santoṣa est une attitude de gratitude et de satisfaction avec ce qui est. Ce n’est pas de la résignation, mais une capacité à reconnaître la richesse de l’instant présent, même imparfait. C’est une clé puissante de paix intérieure.
Et si ce que j’ai ici et maintenant était déjà suffisant ?
3. Tapas – La discipline ardente
Tapas, c’est le2feu de la transformation, la motivation intérieure qui nous pousse à nous engager, à persévérer, à traverser les résistances. C’est l’effort conscient qui nous rapproche de notre vérité. Pas une rigidité, mais une forme d’engagement lumineux.
Qu’est-ce que je suis prêt à nourrir pour évoluer ?
4. Svādhyāya – L’étude de soi
Svādhyāya invite à l’introspection, à la connaissance de soi par l’étude des textes inspirants mais aussi par l’observation attentive de nos pensées, de nos réactions, de nos schémas. C’est une pratique d’écoute intérieure, de recul et de conscience.
Qui suis-je vraiment, au-delà de mes rôles, de mes pensées, de mes habitudes ?
5. Īśvara Praṇidhāna – L’abandon au plus grand
Ce dernier Niyama nous invite à remettre le fruit de nos actions à quelque chose de plus grand que nous : la Vie, l’Univers, Dieu, selon les croyances de chacun. C’est la confiance en un ordre plus vaste, qui dépasse notre volonté personnelle. Lâcher le contrôle pour ouvrir à une forme de foi.
Puis-je faire de mon mieux, puis lâcher prise avec confiance ?
Conclusion : une boussole intérieure pour une vie alignée
Les Yama et Niyama ne sont pas des obligations morales ni des idéaux inaccessibles. Ils sont comme des jalons, des guides pratiques pour vivre avec plus de cohérence, de conscience et de liberté. Ils invitent à un yoga vécu bien au-delà du tapis : dans nos choix quotidiens, nos relations, nos silences, nos élans.
Commencer par là, c’est poser des fondations solides pour une pratique authentique et transformatrice. Et si chaque jour devenait une opportunité d’incarner un peu plus l’un de ces principes ?